dimanche 14 février 2010

Sommes-nous tous des petits-suisses dadaïstes ?

Luca est partout: le voilà dans bon nombre d'ateliers de théâtre... C'est significatif, cela montre sa vitalité. Mais que devient cette vitalité : un instrument ou une liberté?

Un nouveau cliché arrive: les rythmes lancinants de Luca mais je crois avoir entendu cela ailleurs: le qualificatif va-t-il dans le sens d'une violence ou/et d'une douceur? ou se noie-t-il dans la musak des ondes du samedi soir?

On lit donc ceci à cette adresse: http://www.cita.ch/atelier-form-08.htm

Je ne corrige pas les erreurs orthographiques...

Atelier sur la poésie et le mouvement Dadaïste

« Sommes-nous tous de petits-suisses dadaïstes » ?

Pourquoi un atelier sur la poésie et le mouvement dadaïste ?

Le théâtre a grandi et s’est développé pendant les grandes crises de notre société. Dans ces contextes de crise ont surgi ce qu’on a appelé les avant-gardes.
Les mutations sociales et économiques au début du dernier siècle ont provoqué une crise de valeurs accentuée par la sanglante et interminable première guerre mondiale. Le siècle commence avec une immense boucherie et les arts n'ont pu rester impassibles à ces mutations profondes.
C’est ainsi que de la deuxième révolution industrielle naîtra le futurisme, qui vantera les mérites de l'automobile et plus largement de la vie moderne. Apparaît le cubisme et l’art abstrait pour mettre en question les vielles représentations. Une nouvelle poésie apparaît afin de reconsidérer le langage. Donc, Dada naîtra dans ces mutations sociales et artistiques. Le mouvement Dada, à l'image de ses contradictions, naît pendant la guerre et contre la guerre. Il naît de la poésie et contre elle.

Nous partons donc de la poésie dadaïste de son mouvement et de son rayonnement afin de nous poser des questions et surtout de trouver de nouveaux défis au sujet de l’art théâtral : Pourquoi et pour qui jouons-nous? Quelle est la place de notre démarche théâtrale et du théâtre tout court dans une société qui ne jure que par la consommation et la « réussite » ? Devons-nous nous plier à ce marché de la banalité qui nous invite à oublier que la pratique théâtrale est un art ? Sommes-nous obligés d’être dans l’esprit du temps et inscrire sur notre peau tous ces slogans qui invitent à l’identification, qui affirment des sophismes tels que : ‘être acteur c’est être soi-même’, ou ‘le corps de l’acteur peut se passer de la forme car il cherche la « spontanéité créatrice »’.

Le Dada est comme une arbre, avec plans de ramifications et pourquoi pas l’arbre qui cacherait la foret. Pour préciser alors la situation complexe de Dada, il faudra s'intéresser à son histoire, à ces ramifications de l’esprit dadaïste comme les ready-mades de Marcel Duchamp, l’esthétique et l’esprit de Tadeus Kantor ou bien encore la biomécanique de Meyerhold, pour rester dans le domaine du théâtre.

Un autre trait du dadaïsme qui m’intéresse par sa modernité, c’est son pluri-culturalisme. Il nous renvoie à des foyers très différents, à des villes comme Zurich, Paris, Berlin, New-York, Hanovre etc. Une Europe culturelle ou une mondialisation culturelle avant la lettre.

Le Dadaïsme nous ouvre donc un vaste terrain d’exploration qui touche le théâtre mais aussi la construction et utilisation de l’espace scénique, le rôle des décors et des costumes etc. C’est cette foret qui est cachée par l’arbre du dadaïsme qui m’intéresse.

Pour commencer, avant du plonger dans la forme que ça pourrait prendre, il s’agit d’ouvrir un atelier sur la voix et le corps avec un travail continu dans le temps. En faisant en sorte qu’il puisse s’ouvrir au public à diverses étapes du processus.

Un processus de composition des points, des lignes, couleurs, commentaires et textes.
Monde sonore. Monde visuel.
L’œil et l’oreille essayent d’observer, entendre, suivre des formes vocales et corporelles, d’élaborer des constructions allant de plus en plus vers l’inconnu.
Des femmes et hommes avec leurs rêves, leurs noeuds, leurs fragilités, leurs nostalgies, leurs devenir et leurs poèmes, cherchant d’aller à la rencontre de l’heure du crépuscule, ce moment où on ne sait plus qui est qui !
Le stimulus du Dadaïsme est propice aux transformations entre homme et figure, dessin et ligne mélodique, une couleur et un contrepoint, une ombre ou un reflet. Et en fin de course la composition !

Prémices pratiques

Vous connaissez mon intérêt et ma démarche, ces dernières années, concernant la nature du matériau poétique et l’utilisation de la voix.
Dans mon travail, le matériau poétique d’origine théâtrale ou pas est considéré dans des perspectives diverses : l’image qui traverse un texte, l’attention portée aux mots, à sa sonorité hors le contexte syntactique ou signifiant, l’intérêt pour le son et le bruit, pour les onomatopées, les poèmes phonétiques et la recherche d’expressivité visuelle etc.
Je cherche donc, à trouver un équilibre entre le visuel et le sonore : deux éléments qui doivent être mis à contribution pour exprimer la voix dans le texte. Pour traiter le texte théâtral je cherche une dialectique ou un tiraillement entre : voix & langue. Il m’intéresse, au départ, de construire un champ sonore débarrassé des contingences de la communication, voire de la signification.

Pour moi la recherche sonore, la question du langage au théâtre se trouve doublée de celle du corps. Cet aspect me paraît fondamental dans la pratique théâtrale : l’unité ou disjonction voulue entre voix et corps.
Il m’intéresse alors, de cerner comment le corps intervient dans l’émission vocale, dans l’action vocale : Est- il obstacle ou véhicule? Est-il dissocié ou accouplé ?
(Pour aborder ce travail je préfère l’utilisation de métaphores comme « le corps sans organes d’Artaud » que les avances technologiques comme les microphones ou l’intervention des autres objets comme les enregistrements qui permetent de saisir la voix sans le corps, voire de la conserver).

Dans cet atelier, il s’agit de rechercher la voix sans nécessairement dépraver la langue !
J’insiste, quand je parle de la voix, je ne fais pas référence seulement à la présence d’un énonciateur. Ce n’est pas de cette voix-là qui s’agisse, ni de celle de l’auteur, ni de celle des personnages, ni même de la manière dont on peut la « colorer », il ne s’agit pas de faire de la « voix » un élément de caractérisation du personnage.

La chose qui m’intéresse est de cerner la matière de la voix !
La voix dont je voudrais m’occuper n’est donc aucune de ces voix plus ou moins métaphoriques, plus ou moins assimilable à la parole, mais un « ensemble de sons produits par les vibrations des cordes vocales », une voix considérée dans l’acte de phonation. La voix est considérée alors comme émission sonore, une voix-matériau, qui deviendrait, avec toute la richesse de sa modulation, à la fois l’instrument et l’objet du poème.

Nous travaillerons donc sur des poèmes pas seulement en les considérant comme langage, parole, mais aussi au sens phonatoire, c’est-à-dire, comme la manifestation d’une articulation, d’un débit, d’une hauteur, d’une intonation, d’un accent.
Nous aborderons les poèmes « phonétiques » comme un travail indirect sur la voix. Les effets sonores, qui reposent sur les allitérations, les assonances, les répétitions, les consonnes, traitées ou non comme des bruits.

Il y a donc une différence à faire entre voix et discours, entre voix et parole et c’est autour de cette différence que ma recherche voudrait avancer. Construire avec les acteurs un axe ou elle puisse se matérialiser.

Voix et langage 
Dépraver la langue pour qu’un autre sens surgisse !
La mise en œuvre de cette réflexion sur la voix s’inscrit dans la prolongation d’un travail cohérent, qui s’élève contre l’utilisation au théâtre de la voix comme moyen d’expression, de représentation ou d’imitation d’une réalité psychologique.
Au contraire la voix sera traitée comme un instrument essentiel et multiple par les diverses VOYELLES produites. Il s’agit de mettre la voix au centre de l’écriture poétique : tout en poursuivant une exploration entre la langue et la musique. Explorer dans la voix sa résonance et ses résonateurs. Faire sortir et résonner la voix.
Ce travail cherche d’approfondir certains présupposés que nous avons développés dans la préparation de nos derniers spectacles sur le mode d’une « dramaturgie polyphonique ».

C’est ainsi que nous développerons le rapport voix et langage, par exemple : le cri, le bruit et la voix.

Nous travaillerons sur de textes de :

· Gherasim Luca.

· Mallarmé, Alfred Jarry.

· Sur le futurisme ruse et italien, les « Mots en liberté » de Marinetti.

· Sur la langue imaginaire de dadaïstes, comme les poèmes phonétiques dadaïstes d’Hugo Ball, Tzara ou Hausmann, ou encore de « L’onomalangue » de Depero.

· Un travail sur l’onomatopée comme c’est le cas dans la poésie simultanée d’Henri-Martin Barzun et de Pierre Albert-Birot ou Antonin Artaud.

· Ou les poèmes phonétiques et la Ursonate de Kurt Schwitters, les « Poèmes à crier et à danser » I et III de Pierre Albert-Birot ou les « Plakatgedicht » et les « Poèmes optophonétiques » de Raoul Hausmann

Les trajets de la voix
Dans ces trajets des sons dans un corps, on cherche à libérer le chemin afin que la traversée des mots soit une véritable métaphore d’une expérience poétique. La voix roborative, tonitruante, intempestive ; son but n'est pas le silence, mais le verbe, ce qui n'empêche pas sa parole d'osciller constamment entre le silence et le vacarme, le murmure et le cri.

Travailler le non-sens, l'humour, la dépersonnalisation, l'effacement du moi, l'oralité, le rêve,
les jeux homonymiques, la cabale phonétique, le bégaiement.

Dans ces cheminement il y aura une figure tutélaire : Gherasim Luca. En lui, dans sa poésie, nous chercherons la passion amoureuse, ce cri d'amour, qui résonne aussi comme une négation furieuse des entraves humaines (la figure paternelle, la religion, l’étroitesse des préoccupations humaines, la mort...)
Gherasime Luca nous attire, nous séduit par ces rythmes lancinants qui font croiser le tragique et la jubilation, le non-sens et l'excès de sens, une parole jaculatoire qui réduit les croyances à une forme de babil nominaliste !

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