dimanche 14 février 2010

Lecture(s) de Bouche(s) : un récital poétique 6 au 12 février 2009

Lecture(s) de Bouche(s) : un récital poétique.

http://fofana.free.fr/luca/recitalpoetiquefr.htm

« En tant que mot lancé dans l'espace, je ne sens pas le besoin de le décrypter et de le justifier même si je peux jeter des lumières sur son apparition. La façon dont je vois et je sens que si je parle de ce poème, je l'appauvris. Pour moi c'est une tentative de prononcer un mot et si on prononce un mot avec son corps, si on prononce viscéralement au lieu de le prononcer uniquement au bout des lèvres dans une fonction du mot, dans une phrase en fin où il a une fonction subalterne finalement parce qu'il est là pour servir à formuler une pensée, une idée. Or ce mot est lissé dans son existence matérielle et le passage d'une syllabe à l'autre ouvre des labyrinthes enfin, je suis persuadé que si on prononce vraiment un mot, on dit le monde, on dit tous les mots. Si on essaye de faire corps avec le mot alors on fait corps avec le monde et on sert tout son pouvoir d'explosion et le mot est une vibration solidifiée finalement, il est dans un état d'esclavage par définition parce qu'il est cristallisé dans un concept. Mais si on le sort de sa forme et de sa condition de mot, sa condition limitée à ce qu'il est enfin, le mot est comme un être, enfin, qui est enfermé dans sa condition humaine et qui est ce qu'il est. » Ghérasim Luca, 1977.

1. RECITAL POETIQUE PAR NATHALIE NAMBOT

Nathalie Nambot, actrice, lit les des poèmes de Ghérasim Luca.

Le travail d'enregistrements d'autres poèmes vient s'inscrire dans le temps de la vidéo-performance, créant ainsi une tension entre les translations visuelles et la présence de l'actrice.

Les textes lus sont tirés de La Proie s'ombre, Héros limite, Le Chant de la Carpe, Paralipomènes.
Les éditions José Corti autorisent l’utilisation des poèmes de Ghérasim Luca.

2. TRAVAIL SUR LES LECTURES ENREGISTREES dans le cadre de la résidence de création à l'Espace Khiasma.

En 2007-2008, Patrick Fontana ouvre deux nouveaux ateliers en direction de personnes en insertion, l’un à l’association Emmaüs (atelier de base Paris 11ème) et l’autre avec l’association Mosaïques à Romainville (93) pour Lecture(s) de bouche(s).

Dans les deux cas, les participants sont des migrants inscrits dans des ateliers d’apprentissage du « Français Langue Etrangère » (FLE.)

Enregistrements mai 2008 avec les stagiaires de l'atelier formation de base d'Emmaus dans le 11e arrondissement de Paris.

Enregistrements février 2008 à l'espace Khiasma, les Lilas avec les stagiaires de Mosaïques (Romainville).

En travaillant avec ce public spécifique, à raison d’une fois par semaine, Fontana tente de donner une résonance à la poésie singulière de Ghérasim Luca, auteur lui-même immigré, qui tord et travaille la langue française pour y faire naître des sonorités et des rythmes inattendus et sensuels. Ces ateliers s’inscrivent dans la durée et traversent plusieurs genres littéraires – du roman contemporain en passent par la poésie. Ils composent la base de la découverte d’une littérature et d’une langue considérées comme érudites et peu accessibles pour le grand public.

Patrick Fontana développe des stratégies de pratiques et d’appropriations de cette langue étrangère. Il invite ici au plaisir simple de parvenir à à mettre en bouche les textes de Luca et à les accompagnés visuellement, par l’apprentissage et le jeu. Comme pour les images de cette œuvre, c’est un mouvement double qui opère dans la lecture, celui de projection (vers l’autre) et celui de la réflexion, comme manière d’apprendre, au travers d’une aventure de la langue, à écouter sa propre musique.

Les textes lus puis, dans un second temps, enregistrés trouvent cependant leur aboutissement réel dans la mise en espace de la performance dont ils composent l’une des voix.

Petit dispositif où des éléments hétérogènes viennent s’agencer :

A Emmaus comme à Mosaïques, les personnes viennent d’Ouzbekistan, de Chine, du Sri lanka, de Serbie, d’Inde, de Russie, d’Egypte, d’Ukhraine, du Maghreb, du Mali… Cet acte qui est très social, je ne sais pas lire, je ne comprends pas, est aussi un acte cognitif très particulier. Mais dans la lecture il y a encore un rapport d’abord esthétique du côté des phonèmes, un travail sensible sur la matière. Alors tout le monde s’y retrouve.
C’est un petit dispositif où des éléments hétérogènes viennent s’agencer : l’action du corps, la voix, les sens, le signifiant souvent penché sur des textes poétiques.
L’adresse, faire travailler ensemble, c’est quelque chose de très collectif, très musical, cette contrainte à être en interaction.
Un rituel se met en place.
Il y a un temps un peu suspendu. C’est une gageure que des gens qui ont autant de difficultés puissent sortir de tout ça pour se pencher sur dix lignes de Ghérasim Luca et sur d’autres auteurs comme Beckett, Prévert, Duras, Elio Vittorini, Cesare Pavese, Rosa Luxembourg… C’est une affaire.
Je commence l’atelier par une série de lectures. Elles sont travaillées à partir de l’apparition des mots. Les mots comme des sculptures qu’on doit façonner avec la bouche. Modeler c’est très important, ça créée de l’énergie pou la lecture. Décortiquer toutes les sonorités, jouer avec. Un travail (très joyeux) sur « comment les sons sortent » mais aussi « comment on peut les recevoir ».
Des lectures à voix haute impliquent quelqu’un qui écoute. Double travail donc, de lecture et d’écoute.
J’essaye de réveiller des micro-désirs. De ne plus se parler à soi mais à l’autre.
Par exemple, les poèmes de Ghérasim Luca sont composés en polyphonie. Chaque stagiaire a sa partition. Le découpage se fait au jour le jour en fonction de la présence toujours fragile de chaque personne, en fonction de la musicalité de chaque voix, des difficultés de lecture de chacun, de l’énergie collective sur le moment.
A partir de là se met en place un nouveau niveau de lecture.
Je fais attention à répéter le dispositif puis à le déplacer encore.
Puis les lectures sont enregistrées.
Un nouveau rapport se créée avec la voix. On réécoute, -c’est toujours très difficile de s’entendre, presque douloureux pour certains- on pointe les difficultés, les rythmes apparaissent, les sonorités se dévoilent. La lecture révèle la tension, l’appréhension.

L'AMOUR NOIR, EMISSION POUR LA RADIO, FRANCE CULTURE.

Patrick Fontana a produit une émission de 50 minutes en 2008, l'Amour noir, un montage de poèmes de Ghérasim Luca pour France Culture. Les stagiaires de l'Atelier de base d'Emmaus ont participé aux enregistrements en juin.
Diffusion le 30 août 2008, 22h dans le cadre perspective contemporaine sur France Culture.

Ghérasim Luca disait que si on prononce vraiment un mot, on dit le monde, on dit tous les mots. Si on essaye de faire corps avec le mot alors on fait corps avec le monde.
A travers un choix de textes et poèmes tirés de Théâtre de Bouche, Paralipomènes, Héros-limite, Levée d'écrou et la Mort morte, c'est bien des mots qu'il s'agit d'arracher aux bouches, de tenter de nous donner une nouvelle fois toute la contemporanéité de la poésie de Ghérasim Luca.
C'est l'irruption d'une double rencontre qui constitue le cœur de l'Amour noir : celle de Patrick Fontana avec un groupe de personnes suivant son atelier de lectures enregistrées à l'atelier formation de base d'Emmaus à Paris et celle de la réalisatrice Marguerite Gateau avec ces personnes qui entrent par effraction dans les poèmes.
Il n'y a de poème que si l'on ne sait pas, par avance, ce que le poème nous fait, fait de nous, sujet de l'écriture ou sujet de la lecture, ce qu'il nous fait devenir. Il n'y a de poème que s'il y a une invention d'inconnu. Philippe Païni. Avec Ghérasim Luca,pour une érotisation généralisée du langage.

AVEC GHERASIM LUCA, POUR UNE EROTISATION GENERALISEE DU LANGAGE

de PHILIPPE PAINI

Philippe Païni a donné une conférence sur Ghérasim Luca à l'Espace Khiasma en avril 2008 dans le cadre de la présentation/étape 4 de Lecture(s) de bouche(s).

lien vers le texte de la conférence de Phiippe Païni

Philippe PAÏNI est né en 1974. Il vit et travaille à Marseille. Il a participé aux ouvrages suivants : Le Rythme dans la poésie et les arts (Honoré Champion), Ghérasim Luca à gorge dénouée (Revue Triage, Tarabuste),Avec Bernard Noël toute rencontre est l’énigme (Rumeur des Ages). Des poèmes ont paru dans la revue Sezim. Un livre de poèmes, La somme du feu, a paru en 2007 aux Editions de L’Atelier du Grand Tétras. Il anime, avec Serge Martin et Laurent Mourey, la revue Résonance générale, cahiers pour la poétique, qui travaille ensemble écriture du poème et théorie.

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